Pourquoi des médecins leur trouvent des Pourquoi des médecins leur trouvent des vertus
Les nitrates alimentaires sont un précurseur d'oxyde nitrique, une molécule clé qui contrôle nombre de processus essentiels. On ne l'a compris que tardivement.
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Des découvertes effectuées pour l'essentiel dans les pays anglo-saxons montrent que les nitrates alimentaires présentent plus d'avantages que d'inconvénients pour la santé, à rebours du dogme qui prévaut depuis au moins cinquante ans. A tel point que des professeurs de médecine à la réputation bien établie (Karolinska Institute, université d'Exeter, William Harvey Research Institute, Texas Health Institute, Wake Forest University...) émettent désormais l'idée qu'il faudrait plutôt rechercher leur consommation que d'essayer de les bannir de notre alimentation. Et que des suppléments à base d'extraits naturels de légumes riches en nitrates (Neo 40 Daily, RediBeets, etc.) ou de jus concentrés commencent même à apparaître pour combattre certaines pathologies ou améliorer des fonctions physiologiques...
Sans attendre, le monde sportif s'est déjà emparé de la question en à peine trois ans et de manière peut-être un peu précipitée (lire page 48).
UN SUJET TABOU EN FRANCE
La France reste complètement à l'écart de ce renversement d'approche, mis à part quelques médecins, comme Jean-Louis L'Hirondel (lire l'encadré ci-dessous) et des membres de l'Académie de médecine. Le sujet reste tabou et la cause semble entendue dans l'opinion quant à leur nocivité supposée.
Depuis un colloque au Sénat auquel nous avions assisté en 2000 (voir nos compléments web) et qui avait démontré que la menace pour la santé avait été largement exagérée, il s'en était suivi... une longue période de léthargie. Un cran avait été franchi en mars 2011 quand un colloque international organisé à La Pitié-Salpêtrière, sous le patronage de l'Académie de médecine, avait montré qu'il fallait surtout en attendre des bénéfices santé. Mais derrière, il n'y eut quasiment aucun écho de cette évolution. Et la parution, en octobre 2012, du dossier de Science et vie « Nitrates : attention ils sont bons pour la santé » n'a pas non plus réveillé l'intérêt médiatique.
Dans le même temps, les colloques médicaux se multiplient à l'étranger pour partager ces nouvelles connaissances en vue de bâtir des stratégies thérapeutiques et leurs limites d'utilisation : Stockholm (2009), Atlanta (2011), Edimbourg (2012)... et le prochain prévu à Pittsburgh début mai. La médecine anglo-saxonne avance sans états d'âme. Le contraste est saisissant. Et pour tout dire, on voit mal désormais comment le couvercle pourrait être remis sur cette marmite bouillonnante !
Ce revirement spectaculaire tire son origine dans une série de découvertes relativement récentes, à commencer par celle, charnière et fondatrice, de l'oxyde nitrique (NO) en 1986 (lire l'encadré). Une molécule en apparence banale (un atome d'oxygène, un autre d'azote) qui régule dans le corps humain nombre de processus clés, notamment cardio-vasculaires, nerveux, immunitaires et qui agit comme agent de liaison entre les cellules. Cette mise en évidence a du coup stimulé nombre d'équipes de recherches dans le monde, déclenchant depuis une avalanche de publications. On notera que ces découvertes sont intervenues bien après l'instauration des fameuses normes nitrates.
PRECURSEURS D'OXYDE NITRIQUE
Quel rapport l'oxyde nitrique entretient-il justement avec les nitrates de l'alimentation ? Un rapport étroit. Ces derniers sont en fait des précurseurs de NO, c'est-à-dire qu'ils se transforment en oxyde nitrique, suivant le processus décrit dans l'infographie ci-dessus, communément appelé « voie entéro-salivaire ».
Qu'ils soient issus de l'alimentation (légumes verts par exemple) ou de l'eau, ces nitrates ingérés commencent, après un petit tour par l'estomac et le haut de l'intestin, par aller se mélanger dans le plasma sanguin avec les nitrates de source « endogène », c'est-à-dire ceux qui sont fabriqués par l'organisme. De là, les glandes salivaires les extraient sans distinction d'origine. Voilà qui relativise certaines argumentations laissant entendre que « les nitrates de l'eau et ceux des légumes, ce n'est pas pareil » et qu'ils ont un comportement différent dans l'organisme car les seconds sont généralement accompagnés d'antioxydants, notamment de vitamine C. Or, il s'avère que c'est au deuxième passage dans la bouche et non au premier que s'opère leur transformation en nitrites et qu'à ce moment-là les nitrates salivaires sont donc toutes origines mêlées : alimentation, eau, source endogène. Un détail qui a son importance par rapport au grief carcinogénique et au risque souvent évoqué de nitrosation à partir des nitrites (voir page 41).
A côté de cette voie de fabrication du NO qui n'est bien comprise que depuis 1994, il en existe une seconde dite « voie endogène » schématisée page précédente. On ne l'a mise en évidence qu'en 1987. Elle utilise une ressource propre à l'organisme, la L-arginine, un acide aminé qui est oxydé en plusieurs étapes grâce à l'implication de trois types d'enzymes, les « NO synthases ». Chacune d'entre elles joue un rôle différent pour la fabrication du NO dans les tissus comme les nerfs ou l'endothélium des vaisseaux sanguins. Mais dans chaque cas, il faut des conditions normales d'oxygénation pour que cette voie fonctionne convenablement, de même qu'un pH neutre ou alcalin. Elle tend à dysfonctionner en cas d'hypoxie (quand l'oxygène vient à manquer dans le sang), ce qui réduit par là-même la production de NO. Des conditions que l'on peut rencontrer pour nombre de raisons : maladies cardiaques, vaisseaux sanguins partiellement ou complètement bouchés (ischémie), stress, conditions physiologiques extrêmes (très haute altitude, exercices physiques intenses). Un tel contexte donne lieu à un ralentissement de la circulation sanguine et à une diminution de l'oxygène délivré aux tissus (une formation concomitante d'acide lactique peut en plus survenir et faire baisser le pH).
SOLUTION ALTERNATIVE
C'est pour ces raisons que la médecine s'intéresse autant à la voie parallèle des nitrates alimentaires car celle-ci peut fonctionner dans des conditions d'oxygénation et de pH qui ne conviennent pas à la voie endogène. Elle pourrait servir de voie de substitution intéressante. On s'est aperçu en effet que certaines pathologies chroniques comme l'hypertension, le diabète, l'obésité, le syndrome métabolique, etc. s'accompagnent d'un déficit en NO. Une stimulation par l'alimentation (légumes verts et betterave rouge) ou par une supplémentation en nitrates pourrait donc être bénéfique chez les personnes présentant ce type de dysfonctionnement.
Une fois fabriqué, le NO retourne en l'espace de quelques millisecondes à l'état de nitrites et de nitrates par oxydation, dans une sorte d'oscillation biochimique. Une question vient naturellement à l'esprit : comment un gaz aussi furtif que le NO, lorsqu'il est constitué dans l'estomac, peut-il exercer des effets physiologiques si importants à d'autres endroits du corps ? En fait, il se retransforme pour partie en ions nitrite. Plus stables, ces ions ont la faculté d'être transportés à distance. Ils sont ensuite reconvertis en oxyde nitrique à la demande. Nitrates et nitrites font en quelque sorte office de réservoir pour les besoins en NO des tissus !
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